David Suzuki + Severn-Cullis Suzuki

Changer le climat de la culture canadienne

Comment une équipe père-fille bien connue cherche-t-elle dans la pandémie les signes d’une société plus saine

« Les effets du changement climatique pourraient être plus importants et plus graves que tous les autres spectres que l’humanité a dû affronter, exception faite de la menace d’une guerre nucléaire. »

C’était en 1988.

David Suzuki se souvient très bien de ces mots prononcés lors de la Conférence mondiale sur l’atmosphère en évolution : implications pour la sécurité du globe, une réunion internationale sur le changement climatique qui s’est tenue à Toronto à un moment crucial pour la communauté internationale.

Le célèbre scientifique, universitaire, militant écologiste et radiodiffuseur canadien, âgé de 85 ans, préconise des changements radicaux dans l’espoir de voir un monde plus sain et plus durable, et ce, depuis plus longtemps que certains d’entre nous existent.

« La première série télévisée que j’ai réalisée remonte à 1962 », se souvient M. Suzuki, qui continue d’être un pilier de confiance sur nos écrans de télévision et à la radio, dans nos journaux et nos magazines. « J’ai passé toute ma vie à essayer de rendre la science accessible, car je pensais que, avec de meilleures informations, les gens prendraient de meilleures décisions sur ce qui est important. » 

La question est de savoir si nous avons collectivement évolué depuis 1962 ou 1988. Dans une société qui se dit souvent bien informée ou « éveillée », que faisons-nous exactement de toutes ces informations, qui sont littéralement au bout de nos doigts?

« Nous disposons aujourd’hui de plus d’informations que jamais. N’importe qui, avec un téléphone à 50 dollars, peut avoir accès à de vastes quantités d’informations », explique M. Suzuki. « Ce qui est choquant, c’est que plutôt que de permettre aux gens de prendre de meilleures décisions, cela leur a permis de parcourir Internet jusqu’à ce qu’ils trouvent quelque chose qui confirme ce qu’ils croyaient déjà. Vous voulez croire que les vaccins, c’est de la foutaise? Devinez quoi, il y a des sites Web qui le disent. Vous voulez croire que le changement climatique est un canular? Il y a des dizaines de sites Web qui l’affirment. C’est une époque terrifiante. »

La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière ce genre de désinformation ciblée et de division des croyances qui séparent la société en deux camps et s’attaquent directement à notre santé et notre bien-être collectif.

Pour beaucoup d’entre nous, les deux dernières années ont semblé floues, un changement sismique dans le monde que nous pensions connaître. La vérité, c’est que le monde subit des changements radicaux depuis des décennies. C’était juste là, à la vue de tous. 

De l’air que nous respirons à la nourriture et à l’eau que nous mangeons et buvons, en passant par le sol sous nos pieds, beaucoup de ces changements nécessitent une action rapide et immédiate. D’autres sont peut-être déjà irréversibles. C’est ce qui empêche les gens comme M. Suzuki de dormir la nuit.

Un peu lugubre? Peut-être. Mais la pandémie nous a certainement appris quelque chose.

« L’expérience de la COVID-19 a montré que le public est capable de changer radicalement son comportement », déclare M. Suzuki. « Ce que le public a fait en situation d’urgence était absolument stupéfiant, mais le changement climatique représente une menace pour la survie de l’humanité bien plus importante que la COVID-19. »

« Le changement climatique est là, maintenant. Nous commençons à réaliser ce qu’il signifie pour notre santé, notre bien-être et la sécurité de nos familles », ajoute Severn Cullis-Suzuki, la fille de David et une militante environnementale et culturelle très respectée.

Mme Cullis-Suzuki, qui milite pour le changement depuis qu’elle est toute petite, vient d’être nommée cheffe de la direction à la Fondation David Suzuki. 

« Je suis très honorée d’assumer le rôle de directrice générale de la Fondation, 32 ans après que mes parents [David et Tara] ont créé l’organisation en 1990 », dit-elle. « C’était juste un groupe de personnes qui essayaient de faire une différence dans le monde ».

À ce jour, la Fondation demeure une organisation environnementale nationale à but non lucratif de premier plan, qui s’appuie sur la recherche, l’éducation et l’analyse politique fondées sur des preuves, dans le but de préserver l’environnement et de trouver des solutions pour un Canada durable.

« C’est tellement clair. Nous savons ce que nous devons faire. Nous avons toutes sortes de solutions », ajoute Mme Cullis-Suzuki. « Je pense que l’élément le plus important est que nous avons vécu la pandémie et nous avons vu à quoi ressemble une véritable réponse d’urgence appropriée. Nous savons donc maintenant que nous sommes totalement capables de pivoter soudainement. Nous pouvons le faire, mais cela va nécessiter une action drastique de la part de chacun d’entre nous. »

« C’est impossible de le nier, c’est partout », confirme son père. « Le dôme de chaleur de la Colombie-Britannique l’été dernier a tué plus de 600 personnes en quelques jours. C’est incroyable. Nous avons eu des inondations et des incendies. C’est en train de se produire. » 

La Fondation soutient que les mesures que nous prendrons au cours de cette décennie détermineront l’avenir de la planète, ajoutant qu’il est essentiel que le Canada se fixe un objectif de réduction des émissions d’au moins 60 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.

Globalement, l’essentiel reste de limiter la hausse du réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est très clair : les émissions mondiales doivent être réduites de 45 % d’ici 2030 pour que l’objectif de 1,5 degré reste d’actualité.

Même s’il reste manifestement une énorme montagne à gravir, David et Severn sont au moins heureux de constater qu’il y a désormais une plus grande prise de conscience. Et pas seulement en ce qui concerne le changement climatique, mais aussi d’autres questions importantes qui contribuent à la santé de la communauté mondiale.

« Je pense que la COVID nous a vraiment sensibilisés à la question du bien-être et nous a permis de mieux en parler. Et c’est très important », souligne Mme Cullis-Suzuki. « Cela a également changé la façon dont nous parlons tous de la santé mentale et du bien-être mental. Ce n’est plus un sujet honteux. Et je pense que c’est fantastique. »

Le débat sur la santé mentale et le bien-être s’étend également au nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie privée que beaucoup ont adopté en raison de la pandémie. Certains diront que l’éthique de notre structure économique est en train de changer, un sujet qui passionne Mme Cullis-Suzuki. 

En fait, la Fondation a instauré la semaine de travail de quatre jours depuis le tout début, une pratique ancrée dans les valeurs familiales et communautaires. 

« C’était totalement avant-gardiste », affirme Mme Cullis-Suzuki. « Aujourd’hui, les gens commencent à en parler et à s’y intéresser, et c’est devenu plus pertinent que jamais après la COVID. À l’heure actuelle, notre système économique ne valorise pas le travail qui, fondamentalement, nous maintient en bonne santé. »

La plupart d’entre nous n’ont probablement jamais envisagé ce pour quoi David et Severn ont passé leur vie à se battre. Les problèmes sont complexes et leur passion est profonde. Même une chose aussi simple que la nourriture que nous achetons à l’épicerie est une préoccupation pour ces leaders canadiens en matière d’environnement.

« Pour expédier de la nourriture au Canada en hiver, il faut se demander d’où viennent ces fraises, ces prunes, ces laitues et ces tomates fraîches. », explique M. Suzuki. « Nous avons construit un système alimentaire qui est lui-même incroyablement destructeur, non seulement pour la planète, mais aussi pour notre propre santé, car pour transporter et stocker des aliments, on les transforme. Nous ne comprenons même pas que la nourriture a une origine biologique. »

Il y a matière à réflexion lorsque vous regardez vos jeunes enfants de l’autre côté de la table. Si aucun changement réel ne se produit, à quoi ressemblera le monde à travers leurs yeux lorsqu’ils auront, disons, 40 ans?

« Nous décidons actuellement à quoi ressemblera le monde quand ils auront 40 ans, et nous ne disposons que de quelques années pour avoir un impact », déclare Mme Cullis-Suzuki. « Quand j’étais enfant, je militais pour le changement climatique et l’environnement, mais je n’avais pas d’échéancier. Nous devons vraiment y réfléchir et réaliser que c’est entre nos mains, maintenant. Laissez tomber les combustibles fossiles. Nous pouvons tous le faire et nous devons forcer notre gouvernement à le faire aussi. »

En fait, si vous demandez à quelqu’un ce qui lui tient le plus à cœur, ce n’est probablement pas sa voiture de luxe ou sa maison, mais plutôt ses enfants. C’est pourquoi David et Severn font partie des voix qui s’interrogent sur les raisons pour lesquelles il n’y a pas plus de pression, plus d’action.

« Les mères et les pères devraient s’indigner de notre complicité dans la destruction de l’avenir de nos enfants. », déclare Mme Cullis-Suzuki, qui estime que notre économie capitaliste et mondialisée est en totale contradiction avec les valeurs que nous portons en tant qu’individus.

En fin de compte, parmi les questions complexes et controversées qui qui remettent en question notre vie quotidienne et notre survie même, M. Suzuki croit fermement que la réponse réside finalement dans un principe directeur simple.

L’amour.

« C’est l’amour de la Terre, c’est l’amour de nos enfants, c’est l’amour des uns et des autres. Et c’est ce qui nous anime dans tout cela », dit-il calmement de son ton familier et posé. « Mon seul espoir est que l’amour finira par nous faire agir comme il se doit. »

L’avenir nous dira si l’amour triomphe toujours.    

La Fondation David Suzuki encourage les citoyennes et citoyens à agir au sein de leur collectivité pour relever les défis environnementaux auxquels nous faisons face. Pour en savoir plus, rendez-vous au davidsuzuki.org.

Changing the Climate of Canadian Culture

How a well-known father-daughter team look to the pandemic for signs of a healthier society

“The impact of climatic change may be greater and more drastic than any other challenges that mankind has faced with the exception of the threat of nuclear war.”

The year was 1988.

David Suzuki vividly remembers those words spoken during The Changing Atmosphere: Implications for Global Security, a landmark international meeting on climate change held in Toronto at a pivotal time for the global community.

The 85-year-old famed Canadian scientist, academic, environmental activist and broadcaster has advocated for drastic changes in hopes of a healthier and more sustainable world for longer than many of us have been alive.

“The first television series I ever did was in 1962,” recalls Suzuki, who continues to be a trusted staple on our TV screens, newspapers, magazines and radios. “I’ve spent my whole life trying to make science accessible because I felt with better information people will make better decisions about what matters.” 

The question is, have we collectively evolved since 1962 or 1988? In a society that often claims to be well-informed or “woke,” what exactly are we doing with all of that information, which is literally at our fingertips?

“We have more information now than we have ever had. Anybody with a $50 phone can have access to vast amounts of information,” says Suzuki. “The shocking thing is that rather than allowing people to make better decisions, it has enabled them to scroll through the internet until they find something that confirms what they already believe. You want to believe vaccines are BS? Guess what, there are websites that say it. You want to believe climate change is a hoax? There are dozens of websites that say that it is. It’s a terrifying moment in time.”

The COVID-19 pandemic has put a glaring spotlight on that exact sort of targeted misinformation and division of beliefs, splitting society into thought camps and taking direct aim on our collective health and well-being.

For many of us, the last two years have felt like a blur, a seismic shift in the world we thought we knew. The truth is, the world has been undergoing drastic changes for decades. It’s been right there in plain sight. 

From the air we breathe, to the food and water we eat and drink, to the very ground beneath our feet, many of those changes need swift and immediate action. Others may already be irreversible. It’s what keeps people like Suzuki up at night.

Sounds bleak? Perhaps. But surely the pandemic has taught us something.

“The COVID-19 experience showed that the public is capable of radically changing their behaviour,” says Suzuki. “It was absolutely astounding what the public did in an emergency, but climate change represents a threat to human survival far greater than COVID-19.”

“Climate change is here, now. We’re starting to realize what it means for our health, well-being and the safety of our families,” adds Severn Cullis-Suzuki, David’s daughter and a highly-respected environmental and cultural activist in her own right.

Cullis-Suzuki, who’s been advocating for change since she was just a kid, has just recently been named the new executive director of the David Suzuki Foundation. 

“I’m very honoured to take on the work as ED of the Foundation, 32 years after my parents [David and Tara] started the organization back in 1990,” she says. “It was just a group of people who were trying to make a difference in the world.”

To this day, the Foundation remains a leading national non-profit environmental organization that leans on evidence-based research, education and policy analysis in an effort to conserve the environment and find solutions for a sustainable Canada.

“It’s so clear. We know what we have to do. We have all kinds of solutions,” adds Cullis-Suzuki. “I think the most important piece is that we have just experienced the pandemic and we’ve seen what an appropriate and real emergency response looks like. So now we know we are totally capable of suddenly pivoting. We can do this, but it’s going to take drastic action on the part of all of us.”

“You can’t deny it, it’s everywhere,” confirms her father. “British Columbia’s heat dome last summer killed over 600 people in days. It’s unbelievable. We’ve had floods and fires. It’s happening.” 

The Foundation maintains that the actions we take this decade will determine the future of the planet, adding that it’s key for Canada to set an emissions reduction target of at least 60 per cent below 2005 levels by 2030.

Overall, the key remains limiting global warming rise to 1.5 degrees Celsius. The Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), is very clear that global emissions must be cut by 45 per cent by 2030 for the 1.5 degree goal to remain alive.

Even though there’s clearly still an enormous mountain to climb, both David and Severn are at least glad to see that there’s a greater sense of awareness now. And not just specifically in regards to climate change, but also around other important issues that contribute to a healthy global community.

“I think that with COVID, it’s really upped our awareness and literacy of talking about well-being. And that's really important,” says Cullis-Suzuki. “It’s also really changed how we all talk about mental health and mental well-being. It’s not a shameful topic anymore. And I think that’s fantastic.”

The conversation around mental health and well-being also extends to the newfound work-life balance that many have adopted due to the pandemic. Some would argue that the ethics around our entire economic structure are shifting, a topic that Cullis-Suzuki cares deeply about. 

In fact, the Foundation has had a four-day work week since the very beginning, a practice rooted in family and community values. 

“It was totally ahead of its time,” says Cullis-Suzuki. “Now people are starting to talk about it and come around to it, and it’s become more relevant than ever after COVID. Right now, our economic system does not value the work that fundamentally keeps us well and whole.”

Most of us have probably never even considered much of what David and Severn have spent their lives fighting for. The problems are complex and their passion runs deep. Even something as simple as the food we buy at the grocery store is a preooccupation for Canada’s environmental thought-leaders.

“In order to ship food to Canada in winter, where the hell do we think those fresh strawberries, plums, lettuce and tomatoes come from,” questions Suzuki. “We’ve built a food system that is itself incredibly destructive, not only of the planet, but of our own health, because in order to ship it and store it, it’s processed. So we don’t even understand that food has a biological origin.”

Food for thought as you may look at your young son or daughter across the dinner table. If real change doesn’t happen, what will the world look like through their eyes when they’re, say, 40?

“We’re deciding what their 40 looks like right now, and we only have a few years where we can have an impact,” says Cullis-Suzuki. “When I was a kid, I was an activist for climate change and the environment, but I didn’t have a timeline. We’ve got to really think about that and realize it’s in our hands right now. Get off of fossil fuels. We all can do it and we have to force our government to do it too.”

The fact is, if you ask anyone what they truly care about most, it probably wouldn’t be their fancy car or home, but rather their children. That’s why David and Severn are among the voices questioning why there simply isn’t more pushback, more action.

“Mothers and fathers should be outraged by what we are complicit in, which is the destruction of our children’s future,” says Cullis-Suzuki, who believes that our capitalist and globalized economy is completely at odds with the values that we hold as individuals.

In the end, amidst the complex and controversial issues that continue to throw our daily lives and very survival into question, Suzuki is a staunch believer that the answer ultimately lies in one, simple guiding principle.

Love.

“It’s love of Mother Earth, it’s love for our children, it’s love for each other. And that’s what drives us in all of this,” he says calmly in his familiar and measured tone. “The only hope that I have is that love will ultimately determine that we act the right way.”

Time will tell if love truly conquers all.  

The David Suzuki Foundation empowers people to take action in their communities on the environmental challenges we collectively face. Learn more at davidsuzuki.org.

Shaun McMahon

Avec 20 ans d'expérience combinée en tant qu'animateur radio, producteur, artiste voix off, journaliste, contributeur télé, agent en communications et rédacteur, les intérêts de Shaun McMahon sont vastes, mais se concentrent sur le sport, la musique, la technologie et la santé. Enfin, sa véritable passion se résume par son amour pour les gens et par sa quête de raconter leurs histoires incroyables.

With 20 years of combined experience as a radio host, producer, voiceover artist, journalist, TV contributor, communications specialist and feature writer, Shaun McMahon’s interests are vast, but often focus on sports, music, technology and healthcare. Ultimately, his true passion boils down to his love for people and the quest to tell their amazing stories. 

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