Oliver Jones

PHOTO: PIERRE ARSENAULT

Le célèbre jazzman revient sur une vie tout en musique

En 2016, le légendaire pianiste de jazz Oliver Jones a annoncé qu’il se retirait de la scène et de l’enregistrement.

« Ça fait soixante-dix-sept ans et je suppose que c’est bien assez pour n’importe quel travail, mais j’ai toujours été d’avis que je devais jouer jusqu’à ce que ce feeling disparaisse, mais le feeling est toujours là », avait-il déclaré à l’époque. Néanmoins, les rigueurs de la scène sont importantes et M. Jones a déterminé qu’il ne pouvait plus jouer selon les normes élevées établies au cours d’une carrière qui a fait de lui un pilier de la scène jazz montréalaise, qui l’a amené à faire des tournées dans le monde entier et à enregistrer vingt-cinq albums.

Aujourd’hui, sept ans plus tard, à l’âge de 89 ans, M. Jones chérit les souvenirs d’une relation qui a duré toute sa vie avec son piano bien-aimé. Une relation qui a commencé dès l’âge de deux ans. À l’âge de cinq ans, l’enfant prodige donnait des représentations à l’église Union United de la Petite Bourgogne, où il a grandi. 

« Le piano a toujours été le pilier de mon existence », dit-il avec tendresse. Il n’est donc pas surprenant que le salon de son appartement soit dominé par un piano à queue rutilant. « En tant que jeune timide, c’est le piano qui a changé ma vie, en me donnant confiance en moi et en me permettant d’exprimer ce que je suis. Ce n’est qu’au clavier que je me suis distingué. Il en a toujours été ainsi; pour moi, tout dépend du piano. Il a toujours été mon ami le plus proche. » 

En grandissant à quelques pas du célèbre Oscar Peterson et en prenant des leçons avec sa sœur, Daisy Peterson Sweeney, Oliver a eu un exemple à suivre et a compris qu’il pouvait faire carrière dans la musique. Il est également devenu l’ami de longue date d’une autre icône du jazz montréalais, Vic Vogel, qu’il a rencontré alors qu’ils avaient respectivement 13 et 14 ans.

Malgré tout le talent dont il faisait preuve et le fait qu’il avait une oreille parfaite, Oliver était réticent à pratiquer lorsqu’il était un jeune enfant. Mais à l’âge de neuf ou dix ans, lorsqu’il commence à se produire dans les boîtes de nuit, il commence à prendre conscience de son potentiel. Son père l’a informé qu’il gagnait plus d’argent en une seule nuit que son aîné ne gagnait en une semaine entière. Oliver attribue à son père le mérite de lui avoir inculqué un grand amour de la musique classique, en particulier de Bach, et la discipline nécessaire pour répéter une demi-heure avant d’aller à l’école et une heure ou deux chaque soir. 

La capitale du jazz

Montréal était un endroit idéal pour grandir en tant que musicien de jazz en herbe. Elle comptait plus de clubs que n’importe quelle autre ville du Canada et attirait de grands artistes comme Sammy Davis Jr. et Sarah Vaughn, attirés par l’atmosphère plus accueillante de la ville que celle qu’ils connaissaient dans la majeure partie des États-Unis. Mais la ville était loin d’être idyllique pour un jeune homme noir. Oliver se souvient que son père l’avait averti de ne pas s’attirer d’ennuis. Si quelque chose se produisait, les gens se souviendraient probablement du jeune noir. « C’est quelque chose qui reste gravé dans votre mémoire, et j’ai dit la même chose à mon fils », dit-il.

Le Rockhead’s Paradise, premier club de la ville appartenant à un homme d’affaires noir, était le lieu le plus important de Montréal à l’époque. Situé à l’angle des rues de la Montagne et Saint-Antoine, le club accueillait de grands noms du jazz, tels que Louis Armstrong, Duke Ellington, Billie Holiday et Ella Fitzgerald. « Le Rockhead’s était très important pour moi, car j’y allais pour écouter tout le monde et ils m’invitaient à les rejoindre », raconte M. Jones. Jonglant entre les concerts dans les clubs et les représentations dans les salles de cinéma, il se souvient d’une période de sept ans pendant laquelle il n’a jamais eu une semaine de repos.

Le fait de jouer sur scène offrait l’occasion unique d’établir un lien immédiat avec le public. M. Jones se souvient d’avoir joué dans un salon d’hôtel avec son collaborateur habituel — et légende montréalaise —, le bassiste Charlie Biddle. Une femme s’est approchée et leur a confié qu’elle venait souvent les écouter lorsqu’elle se sentait déprimée, leur disant : « D’ici à ce que je parte, vous ne saurez jamais à quel point votre musique m’a fait du bien. » 

« C’est le plus beau des compliments, admet M. Jones. C’est un cadeau de pouvoir toucher les gens de cette façon. »

Un monde d’aventures

Le talent d’Oliver Jones lui ouvre les portes du monde. Son premier voyage à l’étranger a lieu en Nouvelle-Zélande. Le vol arrivant en retard, il est transporté directement de l’aéroport à la salle de concert, où le public est déjà installé. Il dépose ses bagages en coulisses et on lui présente pour la première fois le bassiste et le batteur qui vont l’accompagner. Oliver est escorté sur scène, et la seule chose qui lui est familière est son vieil ami, le piano.

« J’avais confiance dans le piano, raconte-t-il, et lorsque nous avons atteint le premier refrain du premier numéro, j’ai réalisé que ces gars savaient jouer et que le public nous aimait tous les trois. C’était un sentiment tellement merveilleux que je pouvais être à des milliers de kilomètres de chez moi et susciter une réaction familière. J’ai ensuite donné l’un des concerts les plus mémorables de ma vie. »

Il s’est produit en Amérique du Nord, en Europe, en Australie, au
Japon, en Chine et en Afrique. Ce dernier pays a inspiré le documentaire de 1990 de l’Office national du film du Canada, Oliver Jones in Africa, qui le suit lors d’une tournée au Nigeria où il découvre les racines africaines du jazz, du blues et de la musique calypso qu’il interprète.

« C’est tellement gratifiant d’aller dans un pays dont je ne connais peut-être pas la culture ou la langue et de pouvoir communiquer par l’intermédiaire de la musique. J’ai pu parler à des milliers de personnes de cette manière, déclare-t-il. J’ai été très heureux de voir mon nom affiché sur la façade de ces lieux. J’ai joué pour des rois et des reines, y compris pour le Canada à plusieurs reprises. La joie que j’éprouve à la fin d’un concert, en sachant que j’ai vraiment touché leur vie. »

Les secrets du succès

Jim West, fondateur de Justin Time Records, attribue une grande partie du succès initial de sa maison de disques à Oliver Jones. « Le label a démarré grâce à Oliver, essentiellement », a-t-il déclaré. Oliver Jones a enregistré et publié 22 albums avec Jim en l’espace de 30 ans.

M. Jones attribue sa longévité et sa capacité à trouver sa raison d’être et à garder la tête froide au fait d’avoir évité l’alcool et les drogues, qui causent la ruine de tant de musiciens. Il refusait lorsque des clients essayaient de lui envoyer des boissons. Insultés, ils se demandaient quel musicien digne de ce nom ne buvait pas. Il retournait simplement sur scène et démontrait le genre de musicien qu’il est.

Au printemps dernier, M. Jones a été intronisé au Panthéon de la musique canadienne. La chanteuse de jazz Ranee Lee a rendu hommage à son collaborateur de longue date lors de l’événement, en déclarant : « Quiconque a eu le privilège de jouer aux côtés d’Oliver est contraint de s’élever jusqu’à son plus haut potentiel. »

Outre sa récente intronisation, Oliver Jones a reçu un nombre impressionnant de distinctions, dont l’Ordre du Canada et l’Ordre du Québec, le Prix du Gouverneur général pour les arts de la scène, le Prix Martin Luther King Jr., le Prix Oscar Peterson, le Prix spécial de la SOCAN pour l’ensemble de sa carrière ainsi que deux Prix JUNO, quatre Prix Félix, six doctorats, et même un timbre-poste. Sa dernière apparition au Festival international de jazz de Montréal et son dernier concert à la Barbade, le pays natal de ses parents, ont fait l’objet du documentaire Oliver Jones : Mind Hands Heart, une sélection officielle du Festival International du Film Black de Montréal (2017) et du Toronto Black Film Festival (2018).

« Mon Dieu, j’ai eu beaucoup de chance, conclut Oliver Jones. Je suis heureux, j’ai le sentiment d’avoir fait quelque chose de ma vie, j’aime et j’apprécie chaque minute. Je remercie Dieu chaque jour. »  

All that Jazz: The Legend Looks Back on a Lifetime of Music

In 2016, legendary jazz pianist Oliver Jones announced his retirement from touring and recording.

“It’s been seventy-seven years and I guess that’s more than enough time working any job, but it’s always been my contention I should play until that feeling is gone, but the feeling is still there,” he said at the time. Nonetheless, the rigors of performing are significant, and Jones determined that he could no longer play to the lofty standards set during a career that made him a mainstay of the Montreal jazz scene, led him to tour all over the world, and record twenty-five albums.

Now, seven years later — at the age of 89 — Jones cherishes the memories of a lifelong relationship with his beloved piano. A relationship that began at the tender age of two. By age five, the child prodigy was giving performances at the Union United Church in Little Burgundy, where he grew up. 

“The piano has always been the mainstay of my existence,” he says fondly. Not surprisingly, the living room of his apartment is dominated by a gleaming grand piano. “As a shy youngster, it was the piano that changed my life, giving me confidence and the chance to express who I am. It was only at the keyboard where I stood out. It’s always been that way; for me, everything depends on the piano. It has always been my closest friend.” 

Growing up just a few doors down from the fabled Oscar Peterson, and taking lessons with his sister, Daisy Peterson Sweeney, provided Jones with an example to emulate and exposed him to the possibility that he could pursue a career in music. He was also lifelong friends with another Montreal jazz icon, Vic Vogel, whom he met when they were 13 and 14, respectively. 

For all the talent he demonstrated, and the fact that he had perfect pitch, Jones was reluctant to practice as a young child. But, by the time he was nine or ten and started appearing in night clubs, he began to realize his potential. His father pulled him aside and informed him that he was making more money in a single night than the elder Jones earned in an entire week. Jones credits his father with instilling in him a great love for classical music, especially Bach, and the eventual discipline to practice for a half-hour before school and another hour or two every night. 

The capital of jazz

Montreal was a great place for an aspiring jazz musician to grow up. It had more clubs than any other city in Canada and drew big-name artists like Sammy Davis Jr. and Sarah Vaughn, who were attracted by the city’s more welcoming atmosphere than what they experienced in much of the United States. But the city could still be far from idyllic for a young Black man. Jones recalls being warned by his father to be careful about getting into trouble. If anything happened, the elder Jones cautioned, people were most likely to remember the Black kid. “It’s something that stays with you, and I told the same thing to my son,” he says.

Montreal’s preeminent venue at the time was Rockhead’s Paradise, the first club in the city owned by a Black businessman. Located at the corner of de la Montagne and St. Antoine, the club hosted jazz greats such as Louis Armstrong, Duke Ellington, Billie Holiday, and Ella Fitzgerald. “Rockhead’s was very important to me because I went to listen to everyone and they’d invite me up to join them,” says Jones. Juggling club gigs and performances at movie theatres between features, he remembers a seven-year span when he never had a week off.

Playing live offered the unique opportunity to forge an immediate connection with an audience. Jones remembers performing at a hotel lounge with his frequent collaborator — and Montreal legend — bassist Charlie Biddle. A woman approached and shared that she often came to hear them when she was feeling down, telling them, “By the time I leave, you’ll never know how much your music has done for me.” 

“That’s the greatest compliment,” Jones allows. “It’s been a gift to be able to affect people that way.”

A world of adventure

Jones’ talent opened the world to him. His first trip abroad was to New Zealand. The flight arrived late, so he was whisked directly from the airport to the concert hall, where the audience was already seated. He dropped his luggage backstage and was introduced for the first time to the bassist and drummer who were to accompany him. Jones was escorted on stage and the only familiar sight was his old friend, the piano. 

“I had confidence in the piano,” he recounts, “And by the time we reached the first chorus of the first number, I realized these guys could play and the audience loved the three of us. It was such a wonderful feeling that I could be thousands of miles from home and still inspire a familiar reaction. I went on to have one of the most memorable concerts of my life.” 

Jones has performed for audiences across North America and Europe, Australia, Japan, China, and Africa. The latter inspired the 1990 National Film Board of Canada documentary, Oliver Jones in Africa, which followed him on tour in Nigeria as he discovers the African roots for the jazz, blues, and calypso music he plays.

“It is so rewarding to go into a country where I might not know the culture or the language and yet be able to communicate through music. I’ve been able to speak with thousands of people in this way,” he says. “It gave me a real thrill to see my name on the marquee in those places. Playing for kings and queens, including Canada’s on several occasions. The joy I experience at the end of a concert, knowing that I have really touched their lives.”

Secrets of success

Jim West, founder of Justin Time Records, attributes much of the early success of his label to Jones. “The label started because of Oliver, basically,” he said. Jones recorded and released 22 albums with Jim over the course of 30 years.

Jones credits avoiding alcohol and drugs, the downfall of so many musicians, for his longevity and his ability to maintain a clear head and sense of purpose. He would refuse when patrons tried to send him drinks. Insulted, they questioned what kind of real musician doesn’t drink. He simply returned to the stage and demonstrated the kind of musician he is. 

Last spring, Jones was inducted into the Canadian Music Hall of Fame. Jazz singer Ranee Lee paid tribute to her longtime collaborator at the event, saying, “Anyone who has had the privilege to perform alongside Oliver is compelled to rise to their highest potential.”

In addition to his recent induction, Jones has received an impressive array of honours, including membership in both the Order of Canada and Order of Quebec, the Governor General’s Performing Arts Award, the Martin Luther King Jr. Award, the Oscar Peterson Award, the SOCAN Special Lifetime Award, as well as two JUNO Awards, four Felix Awards, six doctorates, and even a postage stamp. His last appearance at the Montreal International Jazz Festival and his final concert in his parents’ native Barbados were the subject of the documentary Oliver Jones: Mind Hands Heart, an official selection of the Montreal International Black Film Festival (2017) and the Toronto Black Film Festival (2018). 

“My God, I’ve been very lucky,” concludes Jones. “I am content, feeling as though I did something with my life, loving and appreciating every minute of it. I thank God every day.”  

Tod Hoffman

Tod Hoffman est un professionnel de la communication chevronné et un écrivain acclamé. Il est titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise en sciences politiques de l'Université McGill.

Tod Hoffman is a seasoned communications professional and a critically-acclaimed writer. He holds Bachelor and Master of Arts degrees in political science from McGill University.

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