Les liens (microbiens) qui nous unissent | The (Microbial) Ties that Bind Us

Qu’est-ce qui constitue une famille? Est-ce le partage de l’ADN, des habitudes culturelles, des espaces de vie? Les familles sont-elles synonymes de proximité quotidienne, à la fois émotionnelle et physique? Ou sont-elles le fruit de relations et d’intimité, de besoins communs et de goûts familiers? Pour ceux qui ont construit des relations sociales étroites après avoir été privés de liens familiaux biologiques, nous parlons de « famille choisie » — les personnes de notre entourage qui nous apportent soutien, empathie et conseils en dépit de l’absence d’héritage sanguin. La famille peut avoir de nombreux visages.

L’alimentation joue bien sûr un rôle clé dans les familles génétiques et les familles choisies. Le fait de préparer et de prendre des repas ensemble renforce le sentiment d’appartenance, fournit des points de référence culturels et favorise le mélange des ressources et des compétences. Outre les liens sociaux et culturels créés par le partage de la nourriture, la commensalité aide nos microbiomes à interagir les uns avec les autres — ces billions de bactéries, de levures, de virus et de protozoaires qui vivent dans nos intestins et sur notre peau. Cuisiner ensemble mélange nécessairement nos microbes de surface (même après un soigneux lavage de mains); manger ensemble nourrit les petites créatures qui vivent à l’intérieur de nous. En retour, cela peut nous aider à nous sentir émotionnellement et psychologiquement plus proches les uns des autres.

La plupart des recherches sur le microbiome portent sur la façon dont il nous permet de digérer les aliments et joue un rôle essentiel dans notre système immunitaire. Nos microbes résidents nous défendent contre les agents pathogènes externes et décomposent les nutriments pour qu’ils soient absorbés dans le sang. Mais de plus en plus d’éléments suggèrent également que nos microbiomes participent à une sorte de système de communication interhumaine. Bien qu’il ne soit pas aussi précis qu’une conversation verbale, l’échange de microbes d’une personne à l’autre peut renforcer ce que nous ressentons comme de l’intimité et de la compréhension. Dans ce cas, les « liens familiaux » se construisent à l’échelle la plus infime. 

Un parallèle existe dans le monde non humain des champignons. Des scientifiques et des philosophes ont suggéré que de nombreuses espèces de champignons échangent des informations dans une certaine mesure, par l’intermédiaire des vastes réseaux constitués par leurs spores microscopiques et leurs mycéliums. (Un mycélium est une structure ramifiée de filaments filiformes qui peut exister sous terre ou à la surface du sol. Il finit par produire des champignons, le « fruit » d’un réseau fongique). Certains mycéliums sont très petits, tandis que d’autres peuvent s’étendre sur des centaines, voire des milliers d’hectares. Grâce à des processus chimiques, biologiques et électriques, les mycéliums semblent échanger différentes formes d’informations. Ils jouent également un rôle de connexion avec d’autres espèces, leur permettant de vivre, de croître, de mourir, de se décomposer et de renaître.

Manger une omelette aux champignons shiitakes avec des amis les transforme-t-il en membres de la famille? Fermenter du kimchi en groupe nous permet-il de lire les schémas de pensée des uns et des autres? Pas au sens propre, non. Mais si nous considérons le microbiome et les mycéliums comme les réseaux neuronaux qui composent notre cerveau, il vaut peut-être la peine de se demander comment de très petites interactions finissent par créer les relations les plus importantes de notre vie. Peut-être que les liens familiaux comme l’amour, la gentillesse et la patience résultent tout autant de la cuisine et des repas pris en commun que des délicieux restes que nous mangeons au déjeuner. Dans ce cas, il serait peut-être bon de repenser ce que nous allons préparer pour le souper — et avec qui?

What constitutes a family? Is it the sharing of DNA? Of cultural habits? Of living spaces? Are families about day-to-day proximity, both emotional and physical? Or are they made of relationships and intimacy, of common needs and familiar tastes? For those who have constructed close social relations after being stripped of biological family ties, we talk about “chosen family” — the people in our lives who provide care, empathy, and feedback despite a lack of blood heritage. Family can be many things.

Food plays a key role in both genetic and chosen families, of course. Making and eating meals together reinforces a sense of commonality, provides cultural reference points, and supports the blending of resources and skills. In addition to the social and cultural ties created by sharing food, commensality helps our microbiomes interact with each other — those trillions of bacteria, yeasts, viruses, and protozoa that live in our guts and on our skin. Making food together necessarily blends our surface microbes (even after careful handwashing); eating food together nourishes the tiny creatures that live inside us. In turn, this may actually help us feel emotionally and psychologically closer to one another. 

Most research on the microbiome is about the way it enables us to digest food and plays an integral part in our immune systems. Our resident microbes defend us against external pathogens and break down nutrients for absorption into the blood. But increasing evidence also suggests that our microbiomes participate in a kind of human-to-human communication system. While not as specific as verbal conversation, the exchange of microbes from one person to another may reinforce what we feel as intimacy and understanding. In that case, “family ties” are constructed at the tiniest of scales. 

A parallel exists in the non-human world of mushrooms. Both scientists and philosophers have proposed that numerous kinds of fungi exchange information, to a certain extent, through the vast networks made up of their microscopic spores and mycelia. (A mycelium is the branching structure of thread-like filaments that can exist either underground or on the soil’s surface. It eventually produces mushrooms — the “fruit” of a fungal network.) Some mycelia are very small, whereas others can expand across hundreds or even thousands of hectares. Through chemical, biological, and electrical processes, mycelia seem to exchange different forms of information. They also perform a connection-making role among other species, enabling them to live, grow, die, decompose, and be reborn. 

So, does eating a shiitake mushroom omelette with friends turn them into family members? Does fermenting kimchi together allow us to read each other’s thought patterns? Not in a literal sense, no. But if we think of the microbiome and mycelia like the neural networks that make up our brains, maybe it is worth considering how very small interactions eventually create the bigger relationships in our lives. Maybe familial bonds like love, kindness, and patience are just as much a result of cooking and eating together as the delicious leftovers we end up with for lunch. In that case, might it be worth rethinking what we make for dinner — and with whom?

David Szanto, PhD

David Szanto est un chercheur alimentaire montréalais, auteur et collaborateur de longue date de ce magazine. En 2015, il a obtenu un doctorat en gastronomie à l’Université de Concordia, le tout premier en son genre. 

David Szanto is a Montreal-based food researcher, consultant and long-time contributor to this magazine. In 2015, he earned a PhD in gastronomy from Concordia University, the first of its kind. 

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