Airs de famille | Family Resemblances

Analyser les accords mets et boissons

Dans de nombreuses régions du monde, des traditions culinaires se sont développées, dans lesquelles des aliments spécifiques sont consommés ensemble. Cela est généralement dû aux préférences gustatives locales, à l’accessibilité des ingrédients et des méthodes de préparation, ou à des événements historiques qui sont reproduits au nom de la coutume ou de la croyance. En Europe — et par extension, en Amérique du Nord —, ces regroupements gastronomiques prennent souvent la forme d’accords mets et vins, comme le saumon et le chardonnay, ou l’agneau et la syrah. Plus récemment, les promoteurs de boissons, telles que la bière, le whisky et le thé, ont repris l’idée et suggèrent des combinaisons de dégustations qui vont plus loin.

L’une des façons d’envisager les accords gastronomiques est de les considérer en termes de « familles alimentaires ». Les historiens culturels regroupent souvent les produits comestibles en fonction de ce qui  pousse ou est produit localement. Le maïs, les haricots et les courges — les « trois sœurs » de l’agriculture latino-américaine — font partie d’une famille culinaire, car ils se complètent sur le plan biologique et environnemental. Il était donc logique de les consommer ensemble. Il en va de même pour certains produits italiens tels que le Prosciutto di Parma et le Parmigiano Reggiano, dont on dit qu’ils se marient à merveille avec le Lambrusco, un vin rouge pétillant, car il est également produit dans la région de Parme. Dans ce cas, leur « accord parfait » est en grande partie le résultat d’une circonstance géographique qui s’est transformée en tradition au fil de décennies de consommation.

Un autre modèle, proposé par certains restaurateurs et scientifiques de l’alimentation d’avant-garde, tente d’expliquer les harmonies gustatives à partir de la chimie moléculaire. Cette idée a un certain mérite, puisque ce que nous appelons « saveur » est une combinaison de plusieurs sens qui sont déclenchés par des stimuli chimiques et physiques. (Toutefois, le vécu personnel et notre interprétation individuelle de ces stimuli jouent également un rôle important dans la façon dont nous percevons le goût.) Ainsi, un accord alimentaire complémentaire peut exister en raison « d’airs de famille » entre les molécules.

Ici au Québec — et particulièrement à Montréal —, nous avons le privilège d’appartenir à une société multiculturelle à laquelle contribuent plusieurs dizaines de traditions. Les cultures alimentaires indigènes, irlandaises, françaises et anglaises ont été les premières à influencer nos palais collectifs. Au fil des ans, les cultures du Moyen-Orient, de la Chine, de l’Asie du Sud-Est, de l’Afrique du Nord, de l’Amérique latine, du Portugal et bien d’autres ont assaisonné le mélange. Qu’est-ce que cela signifie pour les chefs, les producteurs et les écrivains gastronomiques qui recommandent (parfois avec insistance) les « meilleures » combinaisons de mets et de boissons? Comment remplacer les conseils alimentaires coloniaux de la vieille école par de nouvelles idées qui conviennent mieux aux multiples communautés réunies autour de notre table?

Étant donné que notre « famille » provinciale est à la fois diverse et hybride, une logique similaire pourrait s’appliquer aux accords alimentaires. Comme dans toutes les familles, certains d’entre nous sont liés par les gènes, d’autres par le choix. Cet automne, lorsque nous nous mettrons à table avec nos proches, il faudra peut-être proposer des combinaisons plus variées. Du pâté chinois avec un saké robuste, par exemple, ou du shish-taouk avec un cidre houblonné. Que diriez-vous d’un kombucha à la rhubarbe pour faire descendre une pointe de tarte au sucre, ou d’un thé au sumac avec une soupe tonkinoise et un filet de bœuf? La nourriture relie nos têtes et nos cœurs, nos estomacs et nos âmes. Repenser les relations entre la nourriture et les boissons peut également contribuer à repenser les relations sociales — en ouvrant non seulement nos bouches, mais aussi nos esprits.

Examining food and beverage pairings

In many regions around the world, cuisines have developed in which specific foods are traditionally consumed together. This is generally due to local taste preferences, accessibility of ingredients, and preparation methods, or historical events that become reproduced in the name of custom or belief. In Europe — and by extension, North America — these gastronomic groupings often take the form of food and wine pairings, such as salmon and Chardonnay, or lamb with Syrah. More recently, promoters of beverages like beer, whiskey, and tea have picked up on the idea, suggesting tasting combinations that reach further afield.

One way to think about gastronomic pairings is in terms of “food families.” Cultural historians often group edible items according to what grows or is produced locally. Corn, beans, and squash — the “three sisters” of Latin American agriculture — became part of a culinary family because they complement one another biologically and environmentally. It therefore made sense to eat them together. Similarly, Italian products like Prosciutto di Parma and Parmigiano Reggiano are said to taste wonderful in combination with the fizzy red wine, Lambrusco, because it too is produced in the region around Parma. In this case, their “perfect pairing” is largely a case of geographic circumstance evolving into tradition over decades of consumption.

Another model, proposed by some avant-garde restaurateurs and food scientists, tries to explain taste harmonies based on molecular chemistry. This idea has some merit, given that what we call “flavour” is a combination of multiple senses that are triggered by chemical and physical stimuli. (Personal history and our individual interpretation of those stimuli also play a big part in how we perceive taste, however.) In this way, a complementary food pairing may exist because of “family resemblances” among molecules.

Here in Québec — and particularly Montreal — we are privileged to belong to a multicultural society, to which many dozens of traditions contribute. Indigenous, Irish, French, and English food cultures were the first to influence our collective palates, with Middle Eastern, Chinese, Southeast Asian, North African, Latin American, Portuguese, and numerous others seasoning the mix over the years. So what does that mean for the chefs, producers, and food writers who recommend (or even insist on) the “best” combinations of food and drink? How do we replace old-school, colonial food guidance with new ideas that better suit the multiple communities at our assembled table?

Given that our provincial “family” is both diverse and hybrid, a similar logic could apply to food pairings. Like all families, some of us are connected by genes, some by choice. As we sit down to dinner with our relatives this fall, maybe that means serving up more varied combinations. Pâté chinois with a robust sake, for example, or shish taouk with hopped cider. How about some rhubarb kombucha to wash down a slice of tarte au sucre, or sumac tea with pho and beef tendon? Food connects our heads and hearts, our stomachs and souls. Reimagining food and drink relations can also help reimagine social relations — opening up not just our mouths, but our minds as well. 

David Szanto, PhD

David Szanto est un chercheur alimentaire montréalais, auteur et collaborateur de longue date de ce magazine. En 2015, il a obtenu un doctorat en gastronomie à l’Université de Concordia, le tout premier en son genre. 

David Szanto is a Montreal-based food researcher, consultant and long-time contributor to this magazine. In 2015, he earned a PhD in gastronomy from Concordia University, the first of its kind. 

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